J’ai déjà discuté de ce sujet avant. C’est un sujet qui revient régulièrement même parmi les photographes eux-mêmes. Il y a beaucoup d’incertitudes et parfois de la confusion entourant la définition du droit à l’image. Je ne suis aucunement avocat et n’ai pas d’étude en ce sens. Mais j’ai suffisamment lu pour pouvoir en comprendre les bases et avoir une bonne idée des limites.
La jurisprudence reste encore assez flou dans le domaine, donc, certains cas pourraient ne pas être aussi clairement définis qu’on le souhaiterait. La réponse n’est pas toujours évidente ou ce que l’on souhaiterait. Mais la discussion ici se veut plus une mise en situation, quelques éléments de précisions et pistes de résolution ou de comportement, sinon au pire des pistes à réflexion.
“Personne ne peut capter ou reproduire et diffuser cette “image” sans d’abord avoir le consentement de la personne visée.”
La loi canadienne sur le droit à l’image, à la base, cherche à permettre et protéger à quiconque son intégrité physique et identitaire. En autres mots, une personne doit avoir son mot, et en général, le dernier mot, sur l’utilisation qu’une autre personne ou entité peut faire de son image.
Une première confusion que je constate souvent sur ce point, tourne autour du terme « image ». En effet, il ne s’agit pas ici du terme faisant référence à une image telle une photo, une peinture, un dessin, voir même une sculpture. C’est plutôt le sens générique du terme faisant référence à la personne représentée par ces différents médiums. Son image comme quand on fait référence à sa réputation par exemple.
Donc, personne ne peut capter ou reproduire et diffuser cette « image » sans d’abord avoir le consentement de la personne visée.
Autorisation
Bien-entendu cela implique des responsabilités. Comme avec tout droit. Nous intéressant en particulier ici, la responsabilité des photographes de respecter ce droit. Après tout, nous sommes sur un blog de photographe et non d’un avocat ;). C’est pourquoi beaucoup de photographes (mais pas assez encore) font signer une autorisation à leurs clients (ici le terme « client » inclus aussi toute personne avec qui le photographe produira des images, allant d’une famille, à une modèle, à un artiste et incluant également les marques de commerces). Ce document ou entente est souvent appelé « Model release ». Bien que le « Model Release » implique des aspects du droits d’auteur également, ce que nous ne couvrirons pas ici car déjà couvert dans un autre billet, il sert normalement aussi à donner le droit (ou non) au photographe d’utiliser les produits de cette entente; un produit pouvant être une photo électronique, une impression, ou tout autre medium où l’image de la personne pourrait être reproduite. Sans cette entente signée, un photographe ne peut prétendre avoir le droit de faire ce qu’il veut avec la photo sous prétexte qu’il en possède les droits d’auteurs. Il possède en effet tous les droits sur le produit créé, mais PAS sur l’image de la personne sur ce produit. Il n’aurait donc pas le droit de vendre une photo à une compagnie pour affichage sur un panneau publicitaire sans un consentement de la personne sur la photo. C’est ce qu’on appelle la protection à l’image de la personne. Une fois signée cependant, la personne sur l’image ne peut pas empêcher l’utilisation de son image, en autant que ça respecte l’entente signée. Par exemple, on peut accepter d’être diffuser pour le portfolio du photographe, mais de ne pas être présenté dans des revus ou publicités. Les termes de l’entente sont spécifiques à chacun et doivent être lus et convenus entre les parties.
Ça devient encore plus important et sévère quand on parle de personne mineure. Mais nous y reviendront plus loin.
Donnons un exemple. Des photographies sont prises lors d’une fête dans un parc où il y a un spectacle en publique offert par la ville. Une personne n’a pas à demander une autorisation pour prendre des photos durant la fête étant donné que l’événement est publique ET, chose importante, se déroule sur un terrain considéré publique, ici un parc municipal. Et quel serait la conséquence si l’événement était tenu à l’extérieur, mais sur le terrain d’une entreprise, un parc d’amusement par exemple ? Et bien, le terrain n’étant plus considéré publique, même si l’événement a lieu à l’extérieur et possiblement ouvert au publique, le gestionnaire ou propriétaire du lieu est en droit d’exiger qu’une autorisation soit demandée et acceptée.
Dans les deux cas, et en supposant qu’une autorisation fut signée dans le deuxième cas, quelle est la limite du droit à l’image de chaque personne présente ? Il est impossible de demander à tout le monde d’accepter de paraitre sur les images. Quelles sont alors les protections ? Dans une telle circonstance, la loi stipule que du moment qu’une personne N’EST PAS le sujet principal d’une photo, que ce n’est pas elle qui est principalement représentée, aucune demande n’est nécessaire. Cependant, il reste un flou à ce niveau: comment est définit « sujet principal ». Il n’y a pas de définition exacte. La cours, dans le cas d’un litige, aurait à évaluer la photo et juger alors. Cependant, une personne est toujours en droit de demander qu’une photo la représentant soit retirée. Normalement, l’organisateur de l’événement va afficher une notice indiquant que des images peuvent être prises durant l’événement. À titre d’exemple, on voit souvent ce type d’avertissement sur un billet d’entrée et le simple fait d’acheter le billet donne implicitement notre accord. Au moins, les gens sont avisés. Dans de plus petits événements, il n’est pas rare de voir l’organisateur faire signer un papier à l’entrée lui donnant l’autorisation de prendre des images et de les utiliser par la suite.
Durant mes mandats qui ont de telles conditions, j’ai toujours des formulaires avec moi que je fais signer quand je prends des photos de gens de manière plus identifiable.
Je couvre également beaucoup d’événements de course à pied. Notre mandat est de capter tous les participants afin de leur offrir des photos de leur performance. Les photos étant ensuite offertes directement à partir d’un site web (Zoomphoto.ca). Afin de respecter la loi canadienne sur le droit à l’image, les participants peuvent demander que leurs photos soient retirées du site directement à partir de celui-ci, simplement en cliquant sur un lien.
Des exceptions
“… une personne mineur ne peut donner son consentement pour l’utilisation de son image.”
Bien-entendu, il existe plein d’exceptions à cette règle. Je ne ferai pas une liste exhaustive ni une explication de chacune ici, ce qui sortirait du cadre de cette discussion. La principale exception est l’utilisation par les médias d’information. Sous certaines conditions, toujours dans le but d’informer, les salles de nouvelles n’ont pas toujours besoin d’obtenir cette autorisation. Du moment que c’est pertinent à la nouvelle et que la personne en fasse partie. Je ne m’aventurerai pas plus loin sur ce point car le sujet peut devenir complexe. Mais la liberté de presse leur donne beaucoup plus de latitude que pour un photographe ordinaire.
Une autre exception, ou plutôt dans ce cas-ci, un cas particulier: les mineurs. En effet, il est considéré qu’une personne mineur ne peut donner son consentement pour l’utilisation de son image. Un parent, ou un représentant légal, doit le faire en son nom. De plus, dans le cas d’une personne mineure, même les médias devront respecter certaines restrictions à leur grande liberté.
Je porte ici à témoin un échange dont j’ai été témoin sur Facebook entre collègues photographes. Je présente ici les grandes lignes de la situation. Bien-entendu tous les noms sont omis afin de ne nuire à personne.
L’histoire tourne autour d’une adolescente, donc moins de 18 ans, qui fait une séance photos de type boudoir avec un photographe. Le photographe publie les dites photos sur Facebook et possiblement ailleurs. La famille de la jeune fille n’est pas au courant mais découvre les photos. Les questions posées ici sont :
- Le photographe avait-il le droit de prendre les photos sans le consentement des parents ?
- Avait-il le droit, par le fait même, de publier les photos ?
- Peut-il prétendre ne pas savoir l’âge de la modèle ?
- La famille peut-elle avoir un recours (principalement pour faire retirer les photos du web) ?
- La jeune fille aura-t-elle des problèmes avec ses parents ? haha ! Ça on s’en doute sûrement 😉
Prendre des photos d’une personne mineure
Pour répondre à la première question, de manière simple: NON. Une personne mineure n’a pas l’autorité de permettre à une tierce personne de la prendre en photo. L’âge du droit à son corps à un niveau médical est de 14 ans, mais ça ne s’applique pas dans ce cas-ci. Donc, un photographe doit toujours obtenir l’autorisation d’un parent ou tuteur avant de faire une séance photos avec une personne mineure.
Publier des photos de mineurs
Il va sans dire que sans l’autorisation d’un parent, il ne peut pas prendre de photo, donc ne peut certainement pas les publier. Mais ça ne s’arrête pas là. Car même avec une autorisation d’un parent pour prendre des photos, ça ne lui donne toujours pas le droit de les diffuser sans obtenir au préalable une autorisation explicite.
Feindre l’ignorance
Malheureusement, comme dans tous les cas avec la loi, nul ne peut prétendre ne pas savoir. Les conséquences peuvent être variables selon les conditions, mais reste qu’il est de la responsabilité du photographe de s’assurer de l’âge. Il ne peut certainement pas aller au-delà des subterfuges. Si une personne falsifie ses cartes ou ses preuves d’âge, il est alors impossible de les vérifier à moins de parler à un parent directement.
Recours de la famille
Certains recommandent d’immédiatement contacter la police. Mais c’est clair que la famille est dans son droit de demander que les photos soient retirées et même détruites. Commencer par demander que cela soit fait est un bon moyen d’éviter des complications inutiles pour tout le monde. Bien qu’il peut être bon de vérifier que le photographe n’a pas d’antécédent, sa réputation pourrait aussi être entachée inutilement. Mais dans le cas d’un refus de sa part, alors, des mesures plus formelles peuvent être entreprises. Alors, il est recommandé de contacter la police et/ou un avocat pour s’assurer des étapes à suivre.
Cas exemples
Ayant pris à plusieurs reprises des photos lors d’activités dans des écoles, j’ai été rapidement sensibilisé aux multiples restrictions sur les publications des images. La plupart des gens ayant des enfants d’âge scolaire connaissent le papier que les écoles demandent aux parents de signer en début d’année et d’indiquer quelles autorisations les parents donnent à l’école pour les vidéos et photos prisent lors d’activités. Je devais alors passer de longs moments avec une personne à trier les photos pour soit retirer ou bien identifier les enfants pour lesquels certaines restrictions s’appliquaient. En effet, on ne pouvait pas remettre un CD de toutes les photos à tous les enfants. On devait retirer celles des enfants ne le permettant pas. À première vue, beaucoup de gens de comprennent pas pourquoi. Après tout c’est inoffensif non ? Et bien, je vais citer un exemple qui montre bien que la raison peut parfois nous échapper.
Il y avait un jeune garçon dont on ne pouvait pas diffuser sa photo, mais au mieux ne jamais le prendre en photo. Pourquoi me direz-vous ? Simplement, qu’il y avait une injonction contre sa mère. Elle ne pouvait l’approcher, ni même savoir dans quelle ville l’enfant se trouvait. Ça peut paraitre fort, mais peu importe les raisons pour cela, il devait sûrement y en avoir une très bonne.
De nos jours, on ne peut plus contrôler qui prend des photos (téléphone, tablette, etc) et ce qu’ils font avec. Mais en tant que photographe, je garde toujours en tête des cas comme ça et jamais je ne publie à quelque part des images contenant des enfants dont je n’ai pas au préalable l’autorisation des parents.
La suite ….
Dans ce texte, j’ai tenté de résumé le plus simplement possible les différentes lectures que j’ai faites ainsi que mon expérience. Mais je ne suis pas un expert légal donc, dans le doute, il est préférable de vous renseigner auprès d’une autorité dans le domaine. Demander sur les réseau sociaux, pour satisfaire sa curiosité, est bien, mais dans une situation réelle, mieux vaut s’assurer d’avoir la bonne et la vraie information et donc, aller la prendre à la source. Je n’ai aucunement la prétention de n’avoir commis aucune erreur dans ce papier. Veuillez me corriger si c’est le cas dans les commentaires (en citant vos sources bien-sûr); il me fera plaisir d’en tenir compte.
Vous avez des expériences à partager ? Laissez-les en commentaires plus bas …